les pages beldev

(actualités, billets, liens)

la rentrée

Septembre 2021

SOMMAIRE

A PROPOS, LA RENTREE ET LA SORTIE

1 - EXCLUSION DE LA REPRISE D’OUVRAGE ET FRAIS DE DEPOSE-REPOSE

2 - QUAND LES MOTS SUPERFLUS TUENT LES MOTS CLAIRS (encore sur une clause d’exclusion)

3 - LA FAUTE DE LA VICTIME N’EST EXONERATOIRE DE LA RESPONSABILITE DU PRODUCTEUR QUE SI ELLE A PLEINEMENT CAUSE LE DOMMAGE ET PAS SEULEMENT AGGRAVE

4 - CLAUSE LIMITATIVE DE RESPONSABILITE ET FAUTE LOURDE

5 - LE BILLET : L’ODEUR DE LA LAVANDE ET DU CAMEMBERT

6 -RC DECENNALE, RC DE DROIT COMMUN, CONTRAT D’ASSURANCE

7 - CATASTROPHE NATURELLE ET FORCE MAJEURE

8 - CURIEUX : UNE CLAUSE D’EXCLUSION VALIDEE

9 -ESTIMATION DE LA CHOSE ASSUREE

10 - PRODUITS DEFECTUEUX, UNE DECISION RARE SUR LE “RISQUE DE DEVELOPPEMENT”

11 - LES PAGES BELDEV PUBLIEES

12 - BELDEV, ACTUALITES

à propos

la rentrée, la sortie

“La rentrée”, avons-nous titré dans cette nouvelle livraison des “pages beldev”.
Rentrée de vacances, rentrée scolaire, rentrée judiciaire. Elles se cumulent et nous tirent vers l’action. Temps des résolutions, encore plus que lors d’une nouvelle année civile.
Curieusement, c’est en Septembre que la volonté s’affirme et se concentre, que les déconstructions et les reconstructions se mettent en place.
Dans la période inédite, cette rentrée est, paradoxalement, placée sous le signe de la “sortie”. Celle de la crise sanitaire, on l’aura compris.
Ailleurs, dans notre carte de voeux 2021, nous avions titré “2021, la bonne année”.
Ca sera peut-être le cas, même s’il faudra peut-être attendre quelques mois supplémentaires.
La vie va donc reprendre ses droits et sa force.
On aura, cependant, été fasciné par la faculté d’adaptation des humains dans cette crise. Nul n’a baissé les bras, le travail de tous, hors “présentiel” a été à la mesure du maintien du cap. Même les petits “coups de blues” ont pu être surmontés par le constat de leur survenue chez presque tous, par la solidarité de fait, dans ce moment difficile.
A la relecture de ce qui précède, certains pourraient considérer que l’on va un peu vite, que tout se passe et s’écrit comme si nous étions réellement sortis de la crise, alors qu’il n’en est rien. Pas encore. Même si l’accalmie ne fait aucun doute.
Mais nous sommes tellement persuadés que cette rentrée sera, sous peu, la sortie que nous la prenons comme telle.
En attendant, on donne à lire quelques attendus et autres dispositifs produits par les juridictions dont les décisions peuvent quelquefois surprendre, compris positivement.
Notamment lorsqu’il s’agit de la lecture des clauses d’exclusion dans un contrat d’assurance. Les assureurs devraient embaucher des grammairiens qui empêcheraient d’imprimer des mots superflus ou des exégètes qui transformeraient les contrats d’assurance en de gros volumes, comme ceux de la Pléiade, avec notes de bas de page et explications sémantiques.
Il devient dur d’exclure. Mais quelquefois, par surprise, alors qu’on ne s’y attend pas, une clause est validée.

CLAUSE D’EXCLUSION DES FRAIS DE REPARATION ET GARANTIE DES FRAIS DE DEPOSE ET REPOSE : UNE MISE AU POINT SALUTAIRE

Cass 16 juin 2021 - 19-20858

Où il est question des exclusions dans le contrat d’assurance. Encore.
Les praticiens, dans notre secteur d’activité connaissent parfaitement d’une part l’exclusion classique des dommages causés “à” la chose livrée et, partant l’exclusion de la reprise d’ouvrage, des frais de réparation et d’autre part, la possibilité de son rachat partiel par une garantie des frais de pose et dépose qui sont des frais périphériques pour remettre en état la chose ou le produit livré.
Dans ce qu’avait à juger la Cour de Cassation, à l’occasion de la livraison d’un produit défectueux (un moule) les deux clauses étaient les suivantes :

  • EXCLUSION de la garantie “des frais ayant pour objet “le remboursement, le remplacement, la réparation, la mise au point, le parachèvement, l’installation des produits ou travaux” exécutés par l’assuré (conditions générales, p. 14)
  • GARANTIE, par dérogation à l’exclusion spécifique prévue aux dispositions générales [de] la prise en charge des frais de dépose et repose engagés par autrui ou l’assuré notamment pour remédier à une prestation qui était contractuellement à sa charge et qui s’est révélée défectueuse”
    Pour condamner la société Generali à garantir la société V2E de l’ensemble des condamnations prononcées contre elle, l’arrêt écarte l’application de la clause figurant dans les conditions générales de la police et excluant de la garantie de l’assureur « les frais engagés par l’assuré ou toute autre personne, lorsqu’ils ont pour objet le remboursement, le remplacement, la réparation, la mise au point, le parachèvement, l’installation des produits ou travaux, exécutés par l’assuré, ses sous-traitants ou toute personne agissant pour son compte, et qui se sont révélés défectueux », en retenant qu’elle est contraire à une clause des conditions particulières, dérogatoire, permettant la prise en charge des frais de dépose et de repose engagés par autrui ou par l’assuré notamment pour remédier à une prestation qui s’est révélée défectueuse.

La Cour de Cassation rétablit la réalité contractuelle en jugeant que :
En statuant ainsi, alors que la clause d’exclusion litigieuse figurant dans les conditions générales n’était pas contraire à la clause dite dérogatoire figurant dans les conditions particulières, laquelle était une clause d’extension de garantie permettant d’échapper à une autre exclusion prévue aux conditions générales, la cour d’appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé.

On est ici soulagés de constater que les mots ont toujours un sens et qu’il n’est pas toujours ambigu, comme ont tendance à le clamer certaines juridictions, lectrices rapides des clauses des contrats d’assurance

“L’art du juge est de menuiser le code en jurisprudence”.
(Victor Hugo, l’homme qui rit).

LE MAL AU DOS : QUAND LES MOTS SUPERFLUS TUENT LES MOTS CLAIRS

Cass. 2e civ., 17 juin 2021, n° 19-24467

Sur les exclusions (encore)

On sait que pour être valide, une clause d’exclusion, outre le fait qu’elle doit être “apparente” doit être “formelle et limitée”. Ce qui n’est pas le cas, par exemple de la notion fourre-tout des “règles de l’art” ou de “l’entretien” ou encore du ‘trouble psychique”.

1 - Soit une clause d’exclusion dans un contrat d’assurance (collectif pour emprunteurs) rédigée comme suit :
« les incapacités et invalidités (qu’elles soient temporaires, permanentes, définitives et/ou absolues) qui résultent : – de lombalgie, de sciatalgie, dorsalgie, cervicalgie et autre mal au dos ».

2 - L’assuré est victime d’hernies discales avec lombo-sciatalgie ».

3 - L’assureur refuse sa garantie., ce que conteste l’assuré arguant d’une clause non formelle, non limitée (le “mal de dos” est imprécis).

Refus accepté par les juges de la Cour d’Appel qui précisent que : « seule l’expression « et autre mal au dos » n’est pas formelle et limitée et qu’une fois expurgée de cette expression maladroite et imprécise, inopposable à l’assuré, la clause redevient parfaitement claire, formelle et limitée, pour le restant ».
Ainsi, parmi les affections dorsales figurant dans l’exclusion, figurent bien la lombalgie et la sciatalgie dont souffre l’assuré

4 - La Cour de Cassation ne l’entend pas ainsi. Elle considère que la clause n’est pas applicable car non formelle, ni limitée, dans les termes suivants :
En statuant ainsi, alors que cette clause d’exclusion de garantie, dès lors qu’elle mentionne : « et autre « mal de dos » » n’est pas formelle et limitée et ne peut recevoir application, peu important que l’affection dont est atteint M. [N] soit l’une de celles précisément énumérées à la clause, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Ainsi, une expression maladroite anéantit la clause, dans son entier, même si ce qui précède, en gommant la locution superflue est parfaitement formel.

Arrêt critiquable : on ne demande pas à la Cour de Cassation de juger de la maladresse d’un rédacteur des clauses, mais plus simplement de vérifier le bien fondé d’une logique contractuelle qui transparait dans un ensemble (ici la clause). Les premiers juges, selon nous, avaient raison de juger comme ils l’ont fait.
La Cour de Cassation s’immisce de manière presque kafkaïenne, dans l’absurde, en gommant, d’un trait de plume assez nerveux et assez partial, des locutions d’une parfaite clarté. Mieux, elle demande aux assureurs un langage simple, explicatif des clauses de leurs contrats. Ce qu’a fait, de manière lapidaire le rédacteur de la l’expression maladroite mais populaire, encore une fois “explicative” (le mal de dos).
Mais la simplicité de l’explication, qui ne fait que ponctuer, est sanctionnée. Assez injustement.

LA FAUTE DE LA VICTIME N’EST EXONERATOIRE DE LA RESPONSABILITE DU PRODUCTEUR QUE SI ELLE A PLEINEMENT CAUSE LE DOMMAGE ET PAS SEULEMENT AGGRAVE

Soit un incendie causant des dommages à une maison d’habitation, à la suite d’une surtension survenue sur le réseau électrique.
Les propriétaires et leur assureur recherchent, par une action, la responsabilité la société ERDF, devenue la société Enedis, propriétaire et fabricant du réseau, sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.
Ils obtiennent gain de cause partiellement : cette surtension a rendu l’électricité impropre à son utilisation normale. Elle était donc « défectueuse ». Mais les premier juges retiennent une faute des victimes, pour minorer la responsabilité d’Enedis à 60%, ces dernières ayant contribué au dommage, en installant, sur le réseau privatif, un « réenclencheur » ne répondant pas aux normes et considéré comme dangereux, ce qui avait « aggravé » le sinistre.

L’on rappelle ici, qu’en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, L’article 1386-13, devenu 1245-12 du code civil précise que « la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d’une personne dont la victime est responsable ».

La Cour de Cassation dans un arrêt du 02 Juin 2021, (Cass. 1re civ., 2 juin 2021, n° 19-19349) casse l’arrêt de la Cour d’appel au visa de l’article précité. Pour la Cour, il ressort du rapport d’expertise que la faute imputée aux propriétaires de l’habitation n’a pas causé le dommage et l’a seulement aggravé, dans les termes suivants :

« Vu l’article 1386-13, devenu 1245-12 du code civil :

6. Selon ce texte, la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime.

7. Pour réduire la responsabilité de la société Enedis à hauteur de 60% du dommage, après avoir retenu que l’élément déclencheur de l’incendie était une surtension survenue sur le réseau électrique imputable à celle-ci, l’arrêt relève, en se fondant sur le rapport d’expertise, que M. et Mme [A] ont commis une faute en faisant installer sur leur réseau privatif un réenclencheur ne répondant pas aux normes et considéré comme dangereux, dont la présence a été un facteur “aggravant” du sinistre.

8. En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que la faute imputée à M. et Mme [A] n’avait pas causé le dommage et l’avait seulement aggravé, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

On peut ne pas être convaincu par une telle logique, même s’il s’agit, dans ce champ, d’une application de la théorie de la causalité adéquate (versus équivalence des conditions) selon laquelle il faut retenir, pour apprécier le lien de causalité, le facteur qui, seul, a pu provoquer le dommage et sans lequel il ne se serait pas produit. Une théorie qui empêche la responsabilisation et, partant la responsabilité d’une victime.

CLAUSE LIMITATIVE DE RESPONSABILITE ET FAUTE LOURDE

Cass. com., 23 juin 2021, n° 19-21919

Une Société (centrale d’achat) confie la logistique (réception des produits, stockage, préparation de commande et expédition) à un prestataire.
Le contrat prévoit une clause limitative de responsabilité – non applicable en cas de faute lourde.
Un vol survient dans les locaux. Le prestataire prétend qu’il s’agit d’un cas de force majeure. Il est assigné pour réparer le préjudice, sa responsabilité étant engagée.
Pas de force majeure, évidemment, répond la Cour d’appel (évènement prévisible). Elle condamne le prestataire mais elle n’applique pas la clause limitative précitée, en indiquant qu’il aurait commis « des manquements contractuels graves »
La décision est cassée sur point par un arrêt du 23 Juin 2021 , au visa de l’article 1150 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016. Les juges du fond se sont en effet fondés, pour écarter la clause litigieuse, sur de simples manquements contractuels, lesquelles ne peuvent constituer une faute lourde, dans les termes suivants :
Vu l’article 1150 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 :
9. Il résulte de ce texte que le débiteur n’est tenu que des dommages-intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, lorsque ce n’est point par son dol, auquel il convient d’assimiler la faute lourde, que l’obligation n’est point exécutée.
10. Pour condamner la société Neolog à réparer l’entier préjudice subi par la société EX&co résultant du vol commis dans ses locaux, l’arrêt se borne à énoncer qu’en raison de ses manquements contractuels graves, il n’y a pas lieu à l’application de l’article 2 du contrat concernant l’abattement de la freinte de 1 %.
11. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi la société Neolog aurait commis une faute d’une telle nature, alors que la faute lourde ne peut résulter du seul manquement du débiteur à ses obligations contractuelles, fussent-elles essentielles, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

On ne peut qu’approuver.

LE BILLET

L’odeur de la lavande et du camembert

Le mot, en lui-même, sans ses compagnons à sa gauche, à sa droite, isolé, comme un mot-clef, est un accélérateur de pensée. Lisez plusieurs pages et cherchez le mot qui les rassemble et tout est joué. C’est le talent de la synthèse, celui par qui le temps n’est pas gâché et la compréhension éclate.
Par ailleurs, curieusement, le mot peut vous poursuivre, en vous aidant.
Dites « violet », dites « chêne », dites « « Lafayette », dites « Platon » ou encore « oreiller » ou “pastèque”. Et dans les heures ou les jours qui suivent, ce mot vient vous soutenir dans une conversation. Énigmatique.
Cependant, il y a des mots qui ne peuvent venir, qu’on cherche pour décrire ou exposer.
Imaginez un ami qui vous téléphone et implore, vous, manieur de mots, votre aide en murmurant :
« il faut que je définisse l’odeur de la lavande. C’est pour un bouquin sur la Provence. Tu peux m’aider ? »
C’est une relation de travail, un ami randonneur qui participe à l’élaboration de bouquins sur les randonnées.
Vous lui répondez que non, il est impossible de définir l’odeur de la lavande, c’est comme si l’on demandait de décrire l’odeur de la pluie. Elle ne se définit pas. Elle est.
Il vous répond que non, les œnologues décrivent bien le goût du vin.
Vous lui répondez que le goût n’est pas l’odeur, non physiologiquement s’entend. Et que les grandes métaphores des prétendus connaisseurs de vin (souvent des escrocs), c’est du pipeau, pour épater le petit-bourgeois et les acheteurs de vins rouges chez Leclerc.
Et juste au moment où il allait se fâcher, persuadé que vous vous moquez de lui, sans glorifier l’amitié en l’aidant, vous vous souvenez du nom de Clément Rosset que vous avez lu récemment. Vous lui demandez d’attendre quelques secondes, vous sortez votre tablette ou votre Kindle et vous trouvez l’extrait :
Vous dites à votre ami « Tu écris que l’odeur de la lavande n’est pas définissable. Comme le Camembert de Rosset. Et tu t’en sors, en ajoutant que cette impossibilité de la description d’une odeur est ce qui fait jaillir le mystère provençal ».
Et vous lui envoyez le texte par un collage sur Whatsapp.

«Mon argument à propos du camembert est le suivant : chaque objet est singulier et il est impossible d’en décrire la singularité.Toutes les descriptions que nous pouvons donner d’un objet procèdent par voie de comparaison avec un étalon, un autre objet servant de référence. Ainsi, je peux comparer le camembert et le livarot ou le pont-l’évêque, mais dire ce qu’il est en lui-même, décrire sa saveur particulière, surtout quand il est bon, j’en suis incapable.Le camembert est à lui-même son propre patron, au sens que prend ce terme en couture. Un courtisan prétendait qu’il était difficile de louer Louis XIV, puisque celui-ci rayonnait de si merveilleuses qualités qu’il était à nul autre semblable, comparable seulement à lui-même. Cette propriété du Roi-Soleil est aussi celle du morceau de camembert, comme d’ailleurs de tout objet réel. »

Sûr qu’il vous envoie un mail dans la journée pour vous remercier : le commentaire a fait sensation chez l’éditeur du bouquin.

Il n’y a pas que la Jurisprudence qui étonne ou surprend. Vive les mots.

PS. La citation de Rosset est tirée du livre d’entretien avec Alexandre Lacroix, rédacteur en chef de la revue “Philosophie Magazine”x intitulé « la joie est plus profonde que la tristesse ». Ed Stock-Philomag.

LE CONTRAT D’ASSURANCE RC GENERALE NE GARANTIT PAS LA RC DECENNALE

Cass. 3e civ. 8 juill. 2021, n° 19-15.165

Soit l’apparition de dommages 3 ans après la réception et rendant l’ouvrage (une piscine) impropre à sa destination.
Le constructeur est titulaire d’un contrat d’assurance de responsabilité civile qui exclut de fait la responsabilité décennale des constructeurs.
Le maître de l’ouvrage engage une action en responsabilité décennale à l’encontre du constructeur et de son assureur.
Les juges du fond, considèrent qu’il s’agit effectivement de dommages relevant exactement de la garantie décennale et déboute de la demande de garantie de l’assureur.
Pourvoi du maître de l’ouvrage. La Cour constate que la Cour d’Appel a bien relevé que le contrat d’assurance souscrit par le constructeur ne couvrait pas sa responsabilité décennale. Il s’agissait bien de RC décennale. L’assureur ne peut voir sa garantie mobilisée.
La Cour juge que “sous le couvert de griefs non fondés de défaut de motifs, le moyen ne tend en réalité qu’à remettre en cause l’appréciation souveraine des juges du fond quant à l’absence de contrat d’assurance décennale souscrit par la société Piscines occitanes auprès de la société Axa”.
Presque une lapalissade que cette décision. Elle est intéressante en ce qu’elle rappelle que les dommages qui relèvent d’une garantie légale ne peuvent donner lieu à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Pas de concomitance possible des deux actions.

CATASTROPHE NATURELLE ET FORCE MAJEURE

Cass. 2e civ., 17 juin 2021, n° 17-18.082

La question est classique : Une catastrophe naturelle est-elle constitutive d’un cas de force majeure exonératoire de responsabilité ?

Soit un glissement de terrain à la suite de fortes intempéries, qui provoque des dommages sur un talus longeant un immeuble.
Deux arrêtés de catastrophe naturelle sont publiés.
Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble concerné, sur le fondement de la la responsabilité du fait des choses et de l’existence d’un trouble anormal du voisinage réclame au propriétaire du fonds dominant et à son assureur la prise en charge de l’évacuation des terres provenant de l’éboulement et la réalisation de travaux de confortement d’un talus, non pris en charge dans la garantie “CAT NAT”
Le propriétaire du fonds dominant oppose la force majeure.Le débat s’instaure sur la prévisibilité et l’imprévisibilité.
Le syndicat est débouté de sa demande, les juges du fond considérant qu’il y a force majeure. Caractère exceptionnel de l’intempérie, qui a rendu instable un talus dont les venues d’eau naturelles antérieures n’avaient pas rompu l’équilibre et, d’autre part et extériorité du glissement de terrain au propriétaire du fonds dominant, résultant d’un phénomène climatique imprévisible au regard des conditions météorologiques locales, et irrésistible dans son ampleur.
Le pourvoi formé contre cette décision est rejeté.

L’on doit prendre cet arrêt comme un exemple et une possibilité.
Il n’existe aucune automaticité ni systématicité : l’arrêté de Cat.Nat n’est pas toujours concomitant d’un cas de fporce majeure. Mais il peut, plus qu’ailleurs potentiellement, être invoqué. La force majeure est souvent rejetée lorsque notamment d’autres causes expliquent le dommage ou viennent l’aggraver.
Donc de l’empirisme judiciaire. Ce qui n’est pas aisé pour le praticien qui recherche toujours une règle intangible qui lui éviterait des insomnies.

L’EXCLUSION DE “L’AU-DELA DES DISPOSITIONS LEGALES” : UNE CLAUSE VALIDEE

Cass. 3e civ., 10 juin 2021, n° 20-11.920

Dans notre “à propos”, on vilipendait, un peu insidieusement, les décisions qui effaçaient las clauses d’exclusion.
Pour démontrer que les juridictions n’en veulent à personne, l’on se doit de citer une clause approuvée, même si, pourtant, ses contours sont assez floues.
La clause, classique, selon laquelle l’assureur exclut “les dommages résultant de toutes stipulations contractuelles acceptées par l’assuré allant au-delà de dispositions légales”.
Il s’agissait ici d’un constructeur de panneaux qui donnait sa garantie pour toutes les variations de couleur des tôles composant la vêture, même en dehors de l’hypothèse d’un changement de panneaux. Ils ont changé de couleur…
La Cour de cassation confirme que le constructeur doit se voir appliquer l’exclusion des dommages résultant de « toutes stipulations contractuelles » que l’assuré aurait « acceptées et qui iraient au-delà des dispositions légales ». Et cette clause de garantie consentie par l’assuré allait au-delà de ce qui lui était imposé par la loi après la réception de l’ouvrage.

ESTIMATION DE LA CHOSE ASSUREE : AU JOUR DU SINISTRE ET NON AU JOUR D’UNE DECISION

Cass. 2e civ., 8 juill. 2021, n° 20-10.575

L’indemnité dans une assurance de Dommages doit être calculée par rapport à la valeur de la chose assurée au jour du sinistre.

Et non pas au jour d’une décision de justice. Et ce, en vertu de l’art L 121-1 du code des assurances qui énonce, dans son premier alinéa : « L’assurance relative aux biens est un contrat d’indemnité ; l’indemnité due par l’assureur à l’assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre ».

Règle violée par, une Cour d’appel qui estime l’indemnité en appliquent la valeur du dommage au jour de la décision qu’elle rend et non au jour du sinistre.
Ici, un vol d’argent, de tapis, de pièces d’or achetées en Turquie.
Refus de garantie par l’assureur et assignation. La question de la valeur des pièces d’or se pose.

La cour d’appel calcule la contre-valeur en euro des pièces d’or dérobées en se fondant sur la valeur de conversion euro/livre turque « au jour de la décision », soit 1 livre turque pour 0,156131 euro.

Pourvoi. La Cour infirme : l’indemnité devant être fixée en fonction de la valeur de la chose assurée au jour du sinistre, la cour d’appel ne pouvait convertir le montant des factures établies en monnaie turque selon le taux de change (désavantageux) en euro au jour de sa décision mais devait appliquer le taux en vigueur au jour du sinistre.

Décision qui est un juste rappel dans les assurances de choses (de dommages). A ne pas confondre avec l’assurance de responsabilité dans lesquelles, au contraire, le préjudice s’apprécie au jour de la décision.

PRODUITS DEFECTUEUX, UNE DECISION RARE SUR LE “RISQUE DE DEVELOPPEMENT”

Cass. 1re civ., 5 mai 2021, n° 19-25.102

Un fabricant de fromages exonéré de sa responsabilité en présence d’une intoxication alimentaire

l’article 1245 du Code civil édicte, s’agissant de la responsabilité du fait des produits défectueux que « Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime ».

l’article 1245-10 du Code civil dispose, lui que :

« Le producteur est responsable de plein droit à moins qu’il ne prouve, entre autres :
(…)
Que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut

C’est le fameux risque de développement qui s’apprécie au regard des moyens techniques et scientifiques existants.
Il s’agissait ici d’une intoxication alimentaire grave après absorption d’un fromage (camembert au lait cru) contenant une souche d’Escherichia coli (E. coli). Plusieurs enfants consommateurs du même produit ont été affectés.
Le débat s’initie sur l’état des connaissances scientifiques, moyen de défense du producteur de fromages
Les demandeurs versent au débat plusieurs études démontrant la connaissance de ce fait.leur présence dans le lait et ses dérivés étaient connus, les données épidémiologiques disponibles considérant qu’il s’agissait d’un risque probable dès 2003.
Ils sont malgré tout déboutés de leur action : le juge civil retient en effet que, faute de données suffisantes concernant les E. coli non O157 et l’absence de toute détection d’E. coli O26 producteurs de shiga-toxines dans des fromages au lait cru, l’état des connaissances scientifiques et techniques en 2005 ne permettait pas de connaître la possible contamination du camembert au lait cru consommé par la victime. En effet, il n’existait en 2005 aucune méthode de référence validée pour détecter E. coli O26, notamment en raison de sa grande évolutivité génétique. Le juge retient ainsi le risque de développement et fait valoir que, compte tenu des connaissances techniques et scientifiques au moment de la mise en circulation du produit, la société ne pouvait pas déceler l’existence du défaut affectant le camembert mis en circulation et ingéré par la petite victime. Le producteur doit donc être exonéré de sa responsabilité, malgré la défectuosité évidente du produit.
La Cour de Cassation confirme dans son arrêt précité et indique qu’il s’agit en l’espèce de la première épidémie d’E. coli producteurs de shiga-toxines non O157 liée à la consommation de camembert au lait cru ;

  • aucune méthode de référence ou méthode alternative validée n’était disponible pour détecter les « souches Stec pathogènes non O157 ».

Rare décision. Et d’ailleurs rare moyen de défense.

L’arrêt mérite d’être lu et relu. Il contient de nombreux éléments d’une “rare” intelligence des faits et de la science et frôle la philosophie, s’agissant du principe de précaution.

La structure « BELDEV », en réalité une marque ancrée dans sa spécialisation et reconnue de tous, s’est construite dans l’exigence de compétence et de disponibilité sans faille depuis près de 38 ans.

Michel BELLAICHE et Lyne HAIGAR, associés, sont entourés d’une équipe de collaborateurs dynamiques tous spécialisés en droit des assurances (Dommages et responsabilités) et risque d’entreprises, secteurs d’activité de beldev.

Un partenariat renforcé est également noué avec Caroline ALTEIRAC, anciennement collaboratrice de beldev, désormais installée dans le Sud de la France, qui exerce dans le même secteur d’activité.

1er août 2021

ACTUALITES

1 - Association de Lyne HAIGAR, cooptée beldev

2 - Le classement AVOCATS “Décideurs Magazine” 2021 vient d’être publié.
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Septembre 2021

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